Bonjour à tous et toutes,
Déjà deux mois que je ne me suis pas manifestée auprès de vous… deux mois plus que remplis, si différents… deux mois à mettre par écrit.
Aie aie aie ! Par où commencer, comment structurer tout ceci ? Je vous prie d’avance de m’excuser si cet e-mail (ce roman) prend une tournure confuse.
MAI.
A l’intérieur :
L’ensemble de l’équipe Jules Verne a persévéré dans la préparation des pièces de théâtre. C’est avec acharnement que nous avons peaufiné le spectacle et ceci jusqu’à la veille du jour J. Répétitions, arrangements musicaux, enregistrements de voix, peinture de décor… Du matin au soir, nous étions obnubilé-e-s par ces fameuses pièces. Nous passions nos journées entre nos « chez nous », la salle de théâtre du centre culturel hongrois (où ont eu lieu les dernières répétitions) et Jules Verne. Il nous est même arrivé d’aller à l’école le week-end. Mes rêves n’étaient plus que théâtre. Je manquais de sommeil mais j’étais motivée par cette période de l’année. Elle nous a d’ailleurs permis de créer une véritable ambiance d’équipe puisque, contrairement au reste du temps, nous travaillions tou-te-s ensemble. Chacun-e, selon ses intérêts et motivations, occupait une place bien spécifique dans ces projets communs. J’ai par cette occasion commencé à établir quelques liens plus profonds avec ma colocataire Marie et j’ai pu davantage échanger avec Hélène (volontaire dernièrement arrivée -début de mois de mai- ).
Il m’avait été conté que ce mois de printemps ne serait pas gai. Mon ressenti différa. Je l’ai certes terminé sur les rotules mais c’est avec grand plaisir que je me rendais à l’école. Les initiatives se prenaient d’elles-mêmes, nous n’avions pas besoin d’ordres du « Grand Chef » (Jelena), nous faisions aisément des compromis et chaque tâche effectuée était appréciée.
A l’extérieur :
- Fruška Gora
Nous avons profité des week-ends pour nous échapper de l’école et de Novi Sad. Nous nous sommes à plusieurs reprises rendu-e-s dans la Fruška Gora. Le 7 mai, Alex, Elsa et moi avons retrouvé des amies / connaissances avec lesquelles nous avons participé au « Marathon de la Fruška ». Evènement exceptionnel ! Notre belle réserve, habituellement dépeuplée, accueillait une foule de marcheurs-marcheuses qui d’ordinaire préfèrent se dorer à Strand (plage hype le long du Danube) que de fouler les sentiers boisés. Divers parcours, de 19 à 100 km, avaient été tracés. Chacun-e pouvait choisir celui qui lui convenait et obtenir, à l’arrivée, un diplôme d’attestation de marche. Nous hésitions à faire demi-tour et à rentrer à pied à Novi Sad tant la Fruška nous semblait défigurée par les banderoles « Départ » / « Arrivée », les vendeurs de pljeskavica et autres stands. Nous avons pris notre courage à deux mains et avons franchi cette horde compacte de promeneurs-promeneuses. Une fois enfoncé-e-s dans les arbres, nous nous sentions finalement moins oppressé-e-s. A défaut de revenir avec des diplômes (nous nous en sommes passé-e-s), nous sommes rentré-e-s les bras chargés d’orties à déguster en soupe. Alex et moi avons d’ailleurs refait le plein d’orties alors que nous profitions d’un dimanche (le 29 mai) pour prendre un bon bol d’air et revenir serein-e-s pour la dernière ligne droite avant les spectacles.
- Stara Planina
Au mois de mai, j’ai également quitté nos collines pour des montagnes plus imposantes et découpées. Avec Hélène et Elsa, j’ai participé à une randonnée non loin de la Bulgarie. Tous les ans au mois de mai, le Serbia Travel Club (Klub Putnika Srbije) organise une marche quelque peu originale : elle se déroule la nuit et s’achève à l’aube sur un sommet… un splendide panorama se déploie alors sous les regards pétillants de fatigue et d’enchantement. Le vendredi soir, nous nous sommes rendues au point de rendez-vous de la gare de Novi Sad. Avec quelques autres personnes, nous avons pris un bus pour « Beograd » où nous avons retrouvé une large majorité du groupe. De Belgrade, nous sommes monté-e-s dans un train pour Pirot. Un train de nuit, un vendredi soir… ou comment être assuré-e de ne pas avoir de place assise. Pourtant les garçons du groupe tenaient absolument à en trouver pour les trois petites Françaises : une par ci, une par là… Par une telle quête, ils faisaient lever certains voyageurs un peu trop envahissants -ceux qui occupaient plusieurs sièges- et argumentaient avec les moins compréhensifs. Nous ne voulions pas de ce traitement de faveur que nous valait notre statut de « femme étrangère ». De plus, nous préférions rester ensemble. Voyager assises sur nos sacs dans le couloir ne nous dérangeait pas. Mais ils en avaient décidé autrement et nous défendaient même, de façon presque agressive, de porter nos propres sacs à dos alors que nous passions de compartiment en compartiment. Tandis que nous protestions, l’un d’entre eux s’est écrié « Hey it’s Balkans ! », ce à quoi nous avons rétorqué « Hey we’re French women ! » Finalement Hélène et Elsa ont quand même dormi confortablement… dans le compartiment des contrôleurs. Ils les y avaient discrètement invitées, avaient pris soin de tirer les rideaux pour qu’elles ne soient pas embêtées et veillaient sur leur sommeil. Quant à moi, j’ai passé une partie de la nuit dans le couloir à discuter avec une jeune serbe (parlant français) puis j’ai partagé un siège avec elle dans un compartiment occupé par de gros monsieurs ronflants. Après avoir patienté deux heures à Pirot, nous étions enfin dans un mini-bus qui allait nous amener au sein de la montagne. A 7h30, les tentes étaient montées et nous sommes allé-e-s visiter les alentours (dont un monastère) pour nous réchauffer le temps que le soleil fasse une plus chaleureuse apparition. L’humeur de la journée était à la farniente : nous nous prélassions, discutions et lisions. - Merci à Jérôme pour « Le goût des pépins de pomme », Katharina Hagena.- J’oublie… en soirée, autour d’un feu, les bouteilles de Rakija circulaient de lèvres à lèvres. Je commençais à douter du sérieux de la rando. Aux alentours d’1h (Elsa, Hélène et moi venions de dormir quelques temps), la grimpée à commencé. Les plus rapides n’attendaient pas les derniers-dernières ; c’est ainsi que nous en avons rapidement perdu un. Aucune carte en vue, nous nous sommes perdu-e-s dans la forêt et avons entrepris l’ascension d’un terrain escarpé qui se désagrégeait sous nos pas. Ceux qui se voulaient les plus virils dépassaient (et bousculaient) le groupe en courant. D’autres s’énervaient, braillaient et se disputaient. Moi ? Je faisais mon petit bout de chemin, dans les dernières, loin du cahot. La vue qui nous attendait sur les hauteurs gommait tous les désagréments. Pas de drapeau en vue, les premiers arrivés étaient déjà bien loin. Peu importe. La descente était plus facile car nous avons cette fois-ci emprunté le « bon » chemin. A 11h nous remballions et partions exténué-e-s pour la gare. Malgré l’épuisement, j’ai tardé à trouver le sommeil dans le wagon. Mes voisins étaient désagréables : ils fumaient, buvaient et prenaient plaisir à être dérangeants. Ils étaient louches : j’ai soupçonné une sorte de trafic, un trafic humain ? Le retour à Novi Sad, le dimanche soir, était étrange ; nous avions l’impression d’être parties depuis une semaine !
- Futog
Si mes pieds m’ont menée dans de belles contrées, je n’ai pas délaissé ma chère bicyclette pour autant. Je l’ai régulièrement chevauchée pour me rendre le long du Danube, non pas sur la plage surpeuplée mais dans les coins des pêcheurs. Marie et moi avons pareillement longé le fleuve jusqu’à Futog en passant par Kamenjar. C’était un bel après-midi, gris, en ce qu’il nous a permis de partager des moments de complicité et de sérénité.
- En ville…
Je ne suis pas souvent sortie le soir puisque nous terminions de travailler assez tardivement à l’association. J’ai néanmoins trouvé quelques plaisirs le week-end en ville : repas au restaurant végétarien (le seul de la ville ?), ballet de Don Quichotte (« Don Kihot »), atelier de « Recycle Art »…
- Arrestation de Ratko Mladić
Depuis mon arrivée en Serbie, j’entendais dire que le général Ratko Mladić, criminel de guerre ne tarderait pas à être arrêté : les élections approchent, c’est une condition nécessaire pour espérer rentrer dans l’Union Européenne… C’est ce qui est arrivé le 26 juin à Lazarevo (Voïvodine). Cette décision que Nicolas Sarkozy qualifie de « très courageuse » n’est-elle autre qu’un coup monté ? C’était chose évidente pour une bonne partie de mon entourage. Cette arrestation constituait certes une nouvelle positive mais elle était accompagnée d’un mélange de déception, d’agacement et de lassitude. Fallait-il de tels enjeux pour qu’enfin on mette la main sur lui ? La corruption… elle n’étonne malheureusement personne. Cet évènement a donné lieu à des manifestations de nationalistes et de hooligans à Belgrade mais aussi à Novi Sad. Passant mes journées à travailler à l’association, je n’ai aucunement ressenti ces mouvements. J’ai seulement constaté, le week-end, l’impressionnant nombre de CRS postés dans la ville à l’occasion d’un match de foot, qui aurait d’autant plus risqué de déborder.
JUIN.
A l’intérieur :
- Théâtre
Le 2 juin avait enfin lieu le spectacle de fin d’année. De bonne heure le matin, nous sommes allé-e-s rejoindre Jelena et son mari Zoki au théâtre du lycée « Laza Kostić ». C’était agréable, par une légère brise, de filer sur nos vélos… c’est ce qu’Elsa et moi pensions juste au moment où une voiture nous a coupé le chemin. Elle sortait d’un parking et accélérait pour s’engager sur la route ; elle n’avait pas vu la piste cyclable. Il y a eu collision entre le vélo d’Elsa et la voiture, et moi je suis tombée sur le vélo qui était à terre. Le choc était violent. Nous nous en sommes plus ou moins bien sorties : seulement des hématomes pour moi, mais Elsa a eu des répercussions au niveau du dos. Nos bicyclettes ont nécessité des réparations, celle d’Elsa n’est d’ailleurs (à ma connaissance) toujours pas réparée. C’était mon deuxième accident à vélo depuis que je suis en Serbie… Ceci ne nous a pas empêchées d’être présentes et actives lors des pièces de théâtre qui étaient « sportives ». Ce n’est pas une mince affaire que d’être dans les coulisses avec des maternelles qu’il faut changer, dont il faut gérer les entrées etc. Le résultat des pièces des petit-e-s et des élémentaires était plutôt appréciable malgré quelques imperfections. Nous avons en revanche eu de nombreux soucis de son et de lumière pour celle des pré-ados. Cette longue journée fut tout de même une belle réussite.
- Festival du « Français en Fête », Festival de théâtre francophone pour enfants
Le lendemain, nos pré-ados présentaient la pièce « Surprise poétique » au festival. Le brouillon ayant eu lieu la veille, tout s’est déroulé à merveille. Notre pièce a même obtenu la première place ex-æquo du classement des troupes serbes. Sur le classement général, c’est le lycée français de Budapest (Hongrie) qui s’est vu décerné la première place et la troupe « Les Mini-Amifran » d’Arad (Roumanie) la seconde. J’avais espéré mieux comme festival ; l’ambiance était, à mon goût, désagréable (« vieille école », animation « agressive »…) et les enfants n’avaient que la dernière matinée pour côtoyer les autres participant-e-s (lors de jeux principalement animés par Jules Verne). Je pourrais davantage détailler ce qui m’a déplu mais le cœur n’y est pas.
- Effectif réduit à Jules Verne
Avec le mois de juin, les petits cartables se sont envolés en vacances. L’école est restée ouverte le matin pour quelques enfants présents mais ils-elles sont rares. Le rythme a donc changé, nous ne travaillions plus l’après-midi et pouvions nous arranger entre volontaires selon les jours / horaires qui nous étaient les plus appropriés.
A l’extérieur :
- En France
Après 4 mois passés en Serbie, j’ai fait la surprise à mes parents et à ma grand-mère de rentrer en France. Je ressentais le besoin de prendre des vacances, suite à cette exténuante période qui venait de s’écouler, et de voir mon amoureux. Je suis partie de Belgrade le 8 juin par un bus Eurolines et suis arrivée le lendemain après-midi en Bretagne. J’ai éprouvé un petit choc culturel en arrivant en France… tout est si normé ! Je remercie les ami-e-s rennais-e-s qui m’ont accordé un peu de leur temps et plus spécifiquement Sylvain pour sa grande aide pour la surprise. J’ai séjourné environ cinq jours, avec mon petit ami, en cocon familial. De quoi refaire le plein des batteries pour mieux repartir ! Et c’est ensuite avec mon meilleur ami que j’ai fait le trajet du retour (toujours en bus). Un grand remerciement à Marie et Romain pour l’hébergement et cette sympathique dernière soirée passée en France.
- Vie estivale
La belle Novi Sad s’était altérée en grande dame à mon retour ; moult évènements étaient organisés : festival du cinéma, concerts gratuits pour les 100 ans de Strand… Mon ami Jérémy avait choisi la bonne semaine pour venir ! Nous avons donc assisté à un concert (Darkwood Dub, The Good Guys) à la forteresse de Petrovaradin et à de bien bien meilleurs à Strand : Zvonko Bogdan (figure emblématique de la chanson folk traditionnelle serbe) et les Orthodox Celts (groupe serbe de musique irlandaise). Nous avons clôturé une de ces soirées, assis-e-s sur la forteresse, à attendre le lever du soleil.
- Danube et Fruška Gora
Je ne pouvais accueillir mon ami sans lui faire découvrir quelques éléments essentiels de ma vie quotidienne serbe : la nourriture mais également certains lieux. A plusieurs reprises nous sommes allé-e-s à pied ou à vélo au bord du Danube (à Novi Sad, Futog et Begeć). Nous nous sommes aussi promené-e-s à Popovica dans la Fruška.
- Vršac, Malo Središte et Moravita
La venue de Jérémy m’a amenée à visiter une région de la Serbie qui m’était encore inconnue : les montagnes de Vršac, non loin de la frontière roumaine. Nous nous y sommes rendu-e-s pour un long week-end lors duquel nous avons dans un premier temps visité la ville de Vršac (36000 habitants). Nous avons ensuite retrouvé un couchsurfer, Victor, qui nous a indiqué comment rejoindre, par des chemins de randonnée, sa petite maison de montagne et nous sommes mis-e-s en route. A notre arrivée au village (Malo Središte, 120 habitants), nous avons fait le plein de quelques victuailles de survie : des pâtes et des figues à l’épicerie (ouverte quelques heures par jour) et un demi kilo de fromage que nous avons payé l’équivalent d’un euro auprès d’une grand-mère. Victor nous a ensuite rejoint à vélo pour nous expliquer le fonctionnement de la maison et nous avons passé quelques heures à bavarder avec lui autour de la carte de la Serbie avant qu’il regagne Vršac. La maison était à nous. Le samedi, nous sommes allé-e-s chercher de l’eau au monastère, avons bavardé autour de verres de vin avec un voisin, sommes grimpé-e-s au sommet Gudurica ( 641m, le mont le plus élevé de Voïvodine), avons pris nos douches (eau du puit pompée) sous un poirier etc. Victor nous a retrouvé le dimanche matin pour passer quelques heures avec nous ; nous sommes rentrés à Vršac et de là avons pédalé (grâce à des vélos qu’il nous avait prêté) jusqu’à la frontière roumaine. Il me fallait en effet aller à l’étranger et re-rentrer en Serbie pour refaire une demande de carte de résident. C’est ainsi que nous avons atterri à Moravita (2300 habitants) à observer les cigognes et les moutons pendant quelques minutes. De retour chez Victor, nous n’avions plus qu’à passer à table pour un bon dîner préparé par sa maman. Ce couchsurfer, ainsi que sa famille étaient si adorables. Je n’en revenais pas. J’étais déconnectée. Le retour à Novi Sad le lundi fut difficile : déposer le sac, participer à une réunion de Jules Verne, rêver de repartir dans la montagne…
A tous et à toutes, je vous souhaite un bel été ensoleillé.
Je m’excuse également pour la longueur de cet e-mail… elle témoigne, je l’espère, du manque de temps dont j’ai dernièrement disposé pour tenir mon blog à jour.
Très sincèrement,
Anne-Cécile
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